L'Ecole des Bouffons de Michel de Ghelderode, mise en scène de Cyril Cotinaut et Sébastien Davis.
Là aussi, il s'agit d'une pièce, de auteur belge dont le théâtre expressionniste est fondé à la fois sur un climat de farce carnavalesque unie à
une sorte de célébration parodique de fête religieuse.Dans L'Ecole des Bouffons, un groupe d'acteurs se retrouve au coeur d'un dialogue entre un professeur et un maître. Sébastien
Davis, qui avait suivi l'enseignement du grand Jerzy Grotowski, et a suivi la formation à la mise en scène d'Anatoli Vassiliev à L'ENSATT de Lyon. Cyril Cotinaut est lui , formateur dans
des ateliers de théâtre en Meurthe et Moselle, et a également suivi les cours de Vassiliev. Ils ont tous les deux présenté l'an passé Alcibiade sur le chemin de Damas, où on retrouvait associés un dialogue de Platon, et l'univers des films muets de Buster Keaton. On revoit
toutes ces influences dans ce spectacle.
Les deux jeunes metteurs en scène , disent-ils, n'ont pas voulu chercher à illustrer le bouffon mais à en chercher sa résonance dans l'acteur tel qu'il vit son métier actuellement, et à mettre en
valeur la notion de transmission. En effet, c'est bien cette éternelle question qui taraude en permanence le directeur et les enseignants d'une école de théâtre, et ils ont raison de la poser :
qui peut s'ériger en enseignant et avoir la prétention de transmettre, et transmettre quoi? Il y faut à la fois beaucoup de certitude et à la fois beaucoup d'humilité, une
générosité sans failles en même temps qu'une rigueur absolue et une vaste et solide culture théâtrale. Faute de quoi, il est difficile d'être crédible auprès des élèves qui attendent quelquefois
avec une certaine impatience qu'on leur délivre des recettes plutôt qu'un lent et difficile apprentissage, le seul qui soit porteur de résultats à long terme… Que faire avec cette
Ecole des Bouffons qui n'est quand même pas un chef d'oeuvre loin de là , et en tout cas loin derrière Pantagleize, brillamment monté cette saison par Philippe Awatt? Cela commence avec une bande de jeunes comédiens réunis autour de leur prof,
tous en jeans et blouson gris à capuche. Tout le monde surjoue un peu mais, reconnaissons-le, les parties chantées sont soigneusement réalisées et il y a une belle gestuelle de groupe très bien
réglée. mais les éclairages ( pardon la “création-lumière”) de Julie-Lola Lanteri-Cravet sont assez médiocres et ne soutiennent guère une mise en scène faite petits
morceaux et qui ne possède pas beaucoup d'unité. Quant au langage souvent savoureux de Ghelderode avec ses mots crus et ses
expressions savoureuses, bien difficile de le retrouver sur la scène. Et il a toujours, comme si c'était une règle imposée au Théâtre 13 des petites intrusions dans la salle, où la plupart des
compagnies essaye ainsi de s'attacher- en vain- la complicité du public: c'est en effet à la fois difficile à réussir et c'est le plus souvent ,vulgaire et peu efficace.
La pièce va donc cahin-caha , au rythme d'une mise en scène et d'une interprétation, vraiment trop inégale et l'on est parfois près d''un jeu très amateur au plus mauvais sens du terme; on a pu cependant repérer une sacrée comédienne Patricia Velzi qui bouge admirablement et a une véritable présence sur le plateau . Dans les dix dernières minutes, se produit comme un petit miracle, une vierge qui se transforme en prostituée dans une sorte de niche, pleine de lumière: c'est à la fois drôle et méchant, même si les costumes sont médiocres, et à l'extrême fin, il y aussi un dialogue savoureux entre le professeur et le Maître.
Mais il aura fallu attendre une heure vingt pour avoir ce petit morceau de bonheur. On oubliera le reste. Tout se passe comme si les deux metteurs en scène n'avaient pas réussi à maîtriser cette pièce mineure de Ghelderode, mais cela fait aussi partie du métier de choisir un texte qui soit suffisamment porteur et des comédiens qui puissent s'en emparer… Sinon à quoi bon!
Philippe du Vignal